Les lagunes de goudron

06/02/2013

collaboration avec DREYT NIEN

en écoute sur le site du dendrobate


Au bord d’une lagune noire
Où se trame encore un crépuscule ce soir
Je noie ma chevelure dans la braise
Des cieux en feu et du goudron en ébullition

Je m’échoue dans la boue
Comme une sangsue verte dans un marais électrique
Ce ne sont pas des électrons, on l’a cru, longtemps
Mais ce sont des bêtes, des nuées de bêtes
Carnivores et Cranivores
Qui dévorent lentement les crânes
Des êtres endormis
Rien ne peut durer
Car ce qui dure n’a pas de  temps
Je me rappelle de ne pas dormir cette nuit

Un poulpe, brutalement éjecté hors des eaux par une vague
Se fossilise en formant un roc en suspension
Je me retourne pour me garder des éclaboussures de vapeurs  brûlantes
Et je vois, loin, l’ombre portée du monolithe qui rayonne pour ce soir
Feu de paille, comète, météo, de passage

J’étais un primate et une hyène affamée, je le sais
Dans mon dos le soleil nucléaire brûle encore avant de disparaître
Au centre d’une mélasse infinie
Qui contaminera mon horizon et rongera ma vision
Je n’évolue pas, je disparais

Je suis un rocher saillant
Ou une aube
Dans ce jour qui meure
Dans la nuit qui vient
Doucement
Comme le primate
Qui doucement, change de cap, dans ses os mêmes
Fourmillement des devenirs
Agitation fébrile à l’échelle des astres
Imperceptible au fil des jours

Dans ce sable mouvant
Où rien n’est figé
Aucune gravure ne persiste
Aucun monument ne tient
Aucun mot ne conserve son sens
Aucun poisson ne nage vivant
Nos livres, nos mots, nos paroles s’entassent sans ordre
Sédiments de la consciences sans ordre
Vivants, mort-vivants, morts
Couches successives, brisées,  écrasés ou ravivés
Transformés, combinés sans ordre

Je suis un rocher saillant
Ou une aube
Dans ce jour qui meure
Dans la nuit qui vient
Dans ces écrits qui s’effacent
Et ces mots nouveaux vomis par les flots
Fossiles, vapeurs, réincarnations, recombinaisons
Ma structure est un passage, un relais
Où passe un sentier étroit
Foulé par un spectre sans visage ni présence
Dont nul ne racontera l’histoire
Trop ténue, singulière
De passage dans cette lagune
Le jour, moi, la nuit
Nous repasserons demain,
Autrement, associés, mutés, horriblement déformés

 

 

Classé dans : Poèmes - Mots clés : audio

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